Pierre Bergé a raison

Publié le par Maurizio Rofrano

L'exposition "Le Grand Monde d'Andy Warhol" qui se tient au Grand Palais depuis le 18 mars dernier devait accueillir quatre portraits que l'artiste pop américain avait réalisé d'Yves Saint Laurent en 1974. Il était prévu de les faire figurer dans une section intitulée "Glamour" à côté d'un certain nombre d'autres couturiers. Non satisfait, Pierre Bergé, propriétaire des œuvres, avait formulé, entre autre, comme contre-proposition que les toiles soient placées dans la section "Artistes". Confronté au refus du conservateur, il a donc décidé, fait rare, de les retirer de l'exposition. Et Pierre Bergé a eu raison.
Dans le monde de la culture, les couturiers subissent une sorte d'ostracisme généralement admis et rarement mis en question consistant à dire que les vêtements et autres accessoires (les mots ne sont jamais innocents) ne seraient pas des œuvres d'art ou tout du moins pas tout à fait. C'est une pensée unique, marquée par une philosophie occidentale qui refuse d'emblée de donner à toute frivolité le moindre prix et qui est d'autant plus détestable qu'elle empêche de voir la mode à sa juste valeur. Marguerite Duras, dans "Le monde extérieur", disait qu'elle ne parvenait pas à voir Yves Saint Laurent autrement que comme un écrivain. Comme tout art, la mode participe à la formulation du monde. En exprimant ses propres hypothèses, elle donne du sens à ce qui nous entoure. Elle décrit ce que nous sommes à un moment précis de notre histoire. Le conservateur de l'exposition se trompe lorsqu'il affirme que "ce n'était pas une affaire de peinture mais de personne" (Le Monde, 14/03/09). Quel autre meilleur moment qu'une exposition dédiée à Andy Warhol pour choisir de réaffirmer que rien n'est ce qui semble être parce que tout est dans le regard et que les catégories ne sont pas figées pour toujours ? En ce sens, le geste de Pierre Bergé est artistique.

Publié dans Culture Mode

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